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Éloge posthume de Pierre Royer (1932-2022)

prononcé le jeudi 5 mai 2022 par Jeanne-Brugère Picoux à l'Académie Vétérinaire de France 

 

C’est avec une grande tristesse que nous avons appris, le 19 mars dernier, le décès de notre ami Pierre Royer. Nous connaissions ses problèmes de santé l’obligeant à des hospitalisations trop fréquentes à l’hôpital Georges Pompidou mais ses courriels chaleureux et ses fréquentes connections en visioconférence à nos réunions nous les faisait oublier d’autant plus qu’il ne s’en plaignait jamais.

 

Pierre est né « grand prématuré » le 5 février 1932 à Niort. Son père était comptable et sa mère, femme au foyer, l’éleva avec sa sœur.

 

Dans son discours de réception en 1999 dans notre académie, Pierre nous apprend que c’est à 15 ans qu’il a décidé de son orientation professionnelle, influencé par Jacques Fouchier, le vétérinaire de Saint-Maixent qui intervenait dans l’élevage de poulains de ses grands-parents où il passait ses vacances scolaires (ce praticien aura par la suite une brillante carrière politique).

 

C’est pourquoi, après un baccalauréat obtenu en 1949 à Niort et une classe préparatoire au lycée Lakanal, il intégra l’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT) où il fit de brillantes études en étant le canard de sa promotion. Sorti major en 1955 de l’ENVT et récompensé par plusieurs prix (prix de l’association des anciens élèves de l’ENVT, prix d’Hygiène alimentaire, prix de l’Encyclopédie vétérinaire, prix de l’Urbaine et Seine), il fut remarqué par le Professeur Brizard qui sut le convaincre d’envisager une carrière d’enseignant en parasitologie. À cette époque les jeunes enseignants étaient recrutés par leurs professeurs qui avaient remarqué leurs qualités pendant leurs études et il n’y avait généralement pas de concours de recrutement avec plusieurs candidats. Il termina aussi sa thèse en 1956 sur un cas de pathologie bovine rarement publié « Contribution à l’étude de l’hémoglobinurie puerpérale de la vache laitière » avec un prix de thèse (médaille de bronze).

 

Malheureusement pour l’ENVT, c’était aussi l’époque de la guerre d’Algérie où les appelés effectuaient 28 mois de service militaire. Il fut ainsi affecté au 3ème régiment de spahis marocains de juin 1956 à avril 1957. À son retour en France, il avoue toujours dans son discours à l’AVF « ne pas avoir retrouvé l’enthousiasme et la persévérance de ses camarades maintenus sous les drapeaux Yves Ruckebusch et Jean Oudar qui reprirent le chemin des écoles vétérinaires pour préparer l’agrégation ou Marc Catsaras qui fit la carrière pastorienne que l’on connaît » pour « décider d’entrer le plus rapidement possible dans la vie active de praticien ».

 

C’est ainsi qu’il commença cette vie de praticien en rurale en tant qu’assistant à Angoulême et Niort en 1958 et 1959 pour s’installer ensuite à Civray dans la Vienne. Mais huit années plus tard, « un accident de santé dû probablement à une activité professionnelle trop intense, l’a obligé à une reconversion dans l’urgence vers l’industrie pharmaceutique ». C’est ainsi qu’il rejoint le groupe Rhône Poulenc pendant la période trouble de mai 1968. Il dira lui-même que « ce changement d’orientation sous la contrainte s’est avéré, avec le recul, favorable » et qu’il lui a « permis de vivre un parcours professionnel particulièrement varié et enrichissant ».

 

Mais ce ne fut pas qu’un parcours professionnel car il y rencontrera Marie Estelle, pharmacienne dans le même groupe pharmaceutique, qui resta sa fidèle compagne. C’est là où nous avons eu l’occasion de nous rencontrer du fait de la nouvelle législation concernant les autorisations sur le marché pour les médicaments vétérinaires de Specia où nous étions sollicités en tant qu’experts Henri et moi par notre amie commune Françoise Pierret.

 

Lors de la création de Rhône Mérieux en 1983, Pierre dut partir à Lyon pendant deux années ne revenant que pour le week-end à Paris rejoindre Marie Estelle qui n’avait pas pu obtenir une mutation de Specia à Lyon. C’est peut-être là où nous nous sommes le plus souvent rencontrés dans nos trajets de TGV entre Paris et Lyon, ayant eu les mêmes contraintes d’expatriation, pour ma part à l’école nationale vétérinaire de Lyon. Nous n’avions alors qu’une envie, celle de revenir dans la région parisienne pour une vie familiale plus sereine. Il reviendra à Paris, détaché à la direction « développement cadres de Rhône-Poulenc Santé » de 1986 à 1989.

 

Le parcours éclectique de Pierre est aussi illustré par son orientation vers le syndicalisme où, après plusieurs années au niveau régional, il est élu Président du syndicat national des vétérinaires français en 1988. Il sera réélu trois fois en 1991, 1995 et 1998 pour terminer Président d’honneur de ce syndicat. En 1976, il sera le co-fondateur avec Gérard Pézières de la revue « La dépêche vétérinaire » dont il sera le chef de publication pendant 25 ans jusqu’en 2001, avec une longue collaboration amicale avec le rédacteur en chef actuel Michel Jeanney. Il me raconta un jour sa surprise lors d’un recrutement pour la revue d’un jeune vétérinaire qui était surtout intéressé par les horaires et les loisirs et qui allait repartir sans avoir demandé quel serait son salaire !

 

A partir de 1989, il aura de nombreuses responsabilités (vice-président de l’association mondiale vétérinaire, membre du Conseil national de la spécialisation vétérinaire, membre des conseils d’administration de l’école vétérinaire d’Alfort, du centre national d’études vétérinaires et alimentaires, de la société vétérinaire de médecine de catastrophe et de l’union nationale des vétérinaires de réserve) mais c’est aussi à ce moment qu’il rejoindra l’Académie vétérinaire de France (AVF). Il y présentera deux articles l’une sur « l’évolution et les perspectives de la presse vétérinaire » en 1997 et l’autre sur « le syndicalisme vétérinaire de 1806 à 1946 » en 1998. Il sera élu en 1999 dans notre Académie en étant reçu par notre ami Philippe de Wailly. J’étais son vice-président lorsqu’il fut Président de l’AVF en 2011, après avoir été lui-même le vice-président d’Henri Brugère.

 

Il était fidèle à de nombreuses réunions professionnelles. Je citerai surtout celles de la Société vétérinaire pratique de France dont il fut le Président, celles de sa promotion Toulouse 55 (comme l’ont rappelé Claude Jouanen, Jean Orphelin et Gabriel Petit) et celle de l’association France-Allemagne vétérinaire (FAV). C’est lors de ces réunions de FAV que nous avions le plaisir de nous rencontrer Pierre et Marie-Estelle mais aussi de nombreux amis dans une ambiance très confraternelle qui justifia notre présence constante à ces réunions du pont de l’Ascension. Après sa retraite il entretenait ses connaissances dans la langue allemande jusqu’à il y a cinq ans.

 

Les dernières fois où je rencontrais Pierre en « présentiel » ce fut lors des réunions du groupe de concertation interacadémique à l’Académie des sciences avec François Gros et Claude Dreux disparus tout deux récemment. Notre académicien Jacques Crosnier en faisait aussi partie.

 

Nous retiendrons surtout de Pierre ses grandes qualités humaines et sa bienveillance légendaire. Toujours élégant, discret et surtout souriant c’était toujours un plaisir de le rencontrer, surtout ces dernières années avec Marie-Estelle avant que la maladie espace nos possibilités de rencontre.

 

Notre ami aimait la vie à la campagne ; chasseur et pêcheur dans sa jeunesse, il aimait se promener pour chercher des champignons dans le Poitou mais il appréciait aussi la Provence chère à Marie-Estelle. Il aimait aussi l’histoire, l’opéra, les expositions, les salons d’antiquaires et les voyages.

 

Il était Officier dans l’Ordre du Mérite Agricole (1989) et Chevalier dans l’Ordre national du Mérite (1993).

 

Pierre laisse un fils, Bernard, expert à la MAIF à Niort et deux petits-fils, Axel qui travaille dans une galerie d’art contemporain à Montréal et Aurélien qui a appris dans la prestigieuse école Ferrandi la restauration gastronomique. Il était aussi proche de sa sœur, pharmacienne, et de ses deux enfants, l’un notaire et l’autre pharmacienne. Mais il laisse surtout son épouse après presque cinquante ans de vie commune, Marie Estelle. À tous et surtout à toi, Marie Estelle, l’Académie vétérinaire de France présente ses plus sincères condoléances. 

 

Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

membre de l'Académie Vétérinaire

membre de l'Académie de Médecine

membre de France-Allemagne Vétérinaire

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